"(...) L’idée n’est pas restée lettre morte : de l’utopie (travailler sur la caméra elle-même, imaginer d’autres hypothèses pour l’évolution du cinéma, faire comme si tout cela n’était qu’un — mauvais — rêve et qu’on allait pouvoir se réveiller, recommencer le cinéma à zéro) à la réalité toute proche du possible (le cinéma d’auteur et le cinéma politique ne devenant qu’une seule et même chose, qui se fendille, qui meurt, enfin peuvent advenir un nouveau type de film, un nouveau spectateur, un nouveau rapport entre les deux), une évolution s’était faite, irréversible : peut-être, après tout, le cinéma (la représentation) n’était-il pas le mal absolu (communication impossible, médiatisée, désacralisée), peut-être n’était-il pas non plus la source de toute joie, de tout émerveillement (devant le follement réel, le follement imaginaire), sans doute n’était-il pas grand-chose, rien — ou presque : ni un moyen d’expression, ni un art, ni une industrie, mais un peu des trois : une activité qui ne porte pas (tellement) à conséquence, qui n’a que très peu de ressort et d’effet, rien mais quand même une infime partie du tout, un mélange contradictoire du sacré (l’homme devenu dieu dans le hors-champ du cadre) et de l’hérétique (bravant l’interdit de toute représentation humaine, impie) : ce n’est qu’aujourd’hui, alors qu’on le vide du peu de sens qui s’entête à adhérer encore, maintenant qu’il est moins que rien (une imposture, de la frime, du vent), ce n’est qu’aujourd’hui que cet infirme et informe mélange qui n’a plus de cinéma que le nom pourra — peut-être, sans doute — laisser se taire et se prendre quelques libertés de films, des films sans espoirs et sans illusions, neufs et tranchants, partis de rien pour aboutir à à peine plus — mais c’est ce tout petit supplément qui fera toute la différence —, un tout petit peu plus que rien (et rien à voir avec un quelconque supplément d’âme), un tout petit plus de rien." - in Contre la Nouvelle Cinéphilie - de Louis Skorecki
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